dimanche 22 mars 2015

spin-orbite

Dans cet article nous allons donner des exemples d'utilisation de geogebra.
Geogebra est un outil qui permet des réalisations assez bluffantes : constructions géométriques, graphiques de fonctions, dérivées, intégrales, maxima etc.
Nous avons voulu  explorer un terrain, moins flamboyant, plus aride, à savoir celui du calcul matriciel.
Travaillant sous ubuntu 14.04 nous avons ajouté le dépôt geogebra aux sources de logiciel (voir ici) afin de pouvoir installer le paquet geogebra5 qui fournit une version de geogebra  avec la fenêtre de calcul formel.
Plutôt que de traiter d'un problème purement mathématique, nous avons préféré aborder un cas concret issu de la physique quantique. Il s'agit d'un cas relativement ardu que nous avons essayé de simplifier au maximum. Tout une série de développements théoriques seront passés sous silence. Cependant, bien que le but déclaré soit de montrer des exemples d'utilisation de geogebra, nous n'hésiterons pas à donner la signification physique des propriétés mathématiques rencontrées : de la sorte même le non initié pourra goûter à la beauté de cette théorie.

Considérons un électron (dans un atome) possédant un moment cinétique orbital l = 1.  Aie ! Tout de suite des mots qui fâchent : moment cinétique orbital. Mais il n'est pas nécessaire de comprendre ce qu'il en est exactement pour la suite du raisonnement. L'important est de savoir qu'une mesure de ce moment suivant un certain axe (z), une mesure d'une grandeur qui sera notée lz , ne peut donner que 3 résultats : +1, 0, -1 (dans un système d'unités adapté) . C'est extraordinaire puisqu'une grandeur physique varie normalement de manière continue. Mais il s'agit ici de physique quantique. A ces 3 valeurs correspondent 3 états notés |1>, |0>, |‑1>.  Ces 3 états sont des états particuliers de l'ensemble des états du moment cinétique, ensemble qui est appelé l'espace des états. Cet ensemble jouit de propriétés telles qu'il s'agit d'un espace vectoriel. Les éléments de cet espace, les états,  peuvent certes s'appeler vecteurs, mais ceux-ci n'ont rien à voir avec les vecteurs tels qu'on les conçoit communément (flèches). A la grandeur physique lz correspond un opérateur lz agissant dans cet espace. L'action de lz sur les états |1>, |0>, |‑1> est donnée par

lz |m> = m |m> (m = 1, 0, -1)

Le vecteur état est multiplié par la valeur de  lz  dans l'état.
On dit que les états |m> sont des états propres de lz avec la valeur propre m.
Toute combinaison linéaire a |1> + b |0> + c |‑1> défini un autre état. Les 3 états (normalisés)  |1>, |0>, |‑1> constitue une base de l'espace des états considéré qui est donc un espace à 3 dimensions.  Dans cette base un état quelconque est représenté par une matrice colonne :


Les opérateurs sont représentés par des matrices carrées 3X3. Faire agir un opérateur sur un état revient à multiplier la matrice colonne état par la matrice de l'opérateur, ce qui redonne une matrice colonne.
Dans une base constituée de vecteurs propres d'un opérateur, la matrice qui le représente est diagonale et les éléments diagonaux sont les valeurs propres.
Aux grandeurs physiques lx, ly , mesures du moment cinétique suivant les axes  x, y (qui constituent avec l'axe z le référentiel) correspondent, tout comme pour lz, des opérateurs lx, ly qui agissent dans l'espace des états. 
Les opérateurs lz, lx, ly sont représentés par les matrices:

Pour la matrice de lz le résultat est évident au vu de ce qui précède. Pour les 2 autres matrices, il faudra admettre le résultat vu que nous faisons l'impasse sur de nombreux développement théoriques. Pour ly précisons que i représente l'unité imaginaire qui s'obtient dans geogebra avec ALT +  i .

Les valeurs possibles pour lz sont les valeurs propres de la matrice correspondante. Il en est de même pour les autres grandeurs : les valeurs permises sont toujours les valeurs propres des matrices qui les décrivent.
Recherchons dans geogebra (fenêtre de calcul formel), les valeurs propres de l
Nous encodons 
l_x := 1/sqrt(2) {{0,1,0},{1,0,1},{0,1,0}}
pour la matrice de l
et 
Déterminant(l_x - λ Identité(3))

pour l''équation aux valeurs propres:


En ligne 2, geogebra a calculé le déterminant encodé et établi de manière formelle l'équation aux valeurs propres. Il nous reste à résoudre cette équation du second degré. Il suffit de sélectionner la ligne 2 et ensuite utiliser l'outil 'Résoudre' :


La ligne 2 est modifiée et y figurent maintenant les valeurs propres de lx qui sont identiques à celles de lz :


Rien que de plus normal : il n'y a aucune raison pour que les résultats d'une mesure suivant x soient différents des résultats d'une mesure suivant z. Les états (vecteurs) propres de lx sont des combinaisons linéaires particulières de |1>, |0>, |‑1>. Si lx est bien déterminé, lz ne l'est plus. Un état quelconque n'est sans doute état propre d'aucun des trois opérateurs lz, lx, ly . Il n'en est pas de même en ce qui concerne l'opérateur
l2 = lx2 + ly2 + ly2
En effet, on peut constater à l'aide de geogebra que l'espace des états tout entier est un espace propre de l'opérateur l2 avec la valeur propre l (l+1) = 2 :


Ce qui signifie que n'importe quel état a |1> + b |0> + c |‑1> (représenté par une matrice colonne) est état propre de l2 avec la valeur propre 2 :


Dans notre espace à 3 dimensions l² est donc parfaitement déterminé et vaut toujours l (l + 1) = 2.

Introduisons le spin de l'électron.  Il s'agit d'un autre moment cinétique qui (dans le modèle planétaire de l'atome) correspond à la rotation de l’électron sur lui-même. Celui-ci projeté sur un axe peut prendre les deux valeurs ±½ , ce qui multiplie par deux les possibilités. L'espace à 3 dimensions présenté plus haut devient un espace à 6 dimensions sous-tendu par les états (vecteurs) :
|1 +>, |1 ‑>, |0 +>, |0 ‑>, |‑1 +>, |-1 ‑> . 
états propres communs à lz et sz, opérateur lié à sz, mesure du spin suivant l'axe z:


lz |m±> = m |m±> (m = 1, 0, -1)
             sz |m±> = ±½ |m±>                           

Les matrices de  lz, lx, ly se transforment en matrices 6X6 par explosion de chacun de leurs éléments en 1 matrice 2X2 suivant le schéma :
Elles deviennent donc:

Les 3 opérateurs sz, sx, sy  correspondant aux composantes du spin sont dans notre espace à 6 dimensions (et avec la base choisie) représentés par les matrices :

Le long de la diagonale de ces matrices nous reconnaissons, reproduites chaque fois en 3 exemplaires les matrices 2x2 liées au spin telles qu'on les rencontre dans la littérature (scientifique).
Après avoir encodé toutes ces matrices 6x6 dans geogebra nous pouvons vérifier que notre espace des états à 6 dimensions reste espace propre de (avec la même valeur propre que précédemment)


et qu'il est espace propre de avec la valeur propre s (s+1) = 3/4 (s = 1/2) :


Maintenant nous allons passer à un niveau supérieur et aborder la composition du moment cinétique. Cependant nous allons nous efforcer de rendre la suite compréhensible même pour les non initiés.
Introduisons le moment cinétique total :

j = l + s

ce qui implique :
jz = lz + sz 

La matrice de jz s'obtient aisément à partir des matrices de lz et de sz:


La matrice est diagonale : tous les vecteurs base sont vecteurs propres de j.
De plus les sous-espaces ε1 (sous-tendu par |1 ‑> et |0 +>) et є2 (sous-tendu par  |0 ‑> et |‑1 +>) sont des espaces propres.
Les vecteurs de base sont-ils vecteurs propres de ?
Non, hélas !
Certes ils sont tous vecteurs propres de l² + s² avec la valeur propre 2 + 3/4 = 11/4 puisque comme nous venons de le voir l'espace des états est espace propre deet .
Malheureusement:
j² = l² + s² + 2 l.s

Construire la matrice de 2 l.s demande de fastidieux calculs. Avec geogebra, c'est plus simple: taper une seule ligne suffit :



La matrice n'est pas diagonale.
Cependant les vecteurs 1 et 6 de la base (|1 +> et |-1 ->) sont vecteurs propres de 2 l.s de valeur propre 1 et donc de avec la valeur propre j (j+1) = 11/4 + 1 = 15/4, soit j = 3/2 .
Comme ils sont aussi vecteurs propres de jz (valeur propre +3/2 et -3/2), nous les noterons |3/2 ±3/2> et pouvons écrire:


Pour le reste, les sous-espaces ε1 et ε2  sont globalement invariants (stables) sous l'action de l.s :
Le transformé par l.s d'un état de ε1 (ou ε2) est encore un état du même sous-espace.
De plus nous savons que ε1 et ε2 sont des espaces propres de jz. Donc les vecteurs propres de l.s (et donc de) présents dans ε1 et ε2 sont des vecteurs propres communs à et jz.
Procédons avec geogebra à la recherche des valeurs propres de 2 l.s dans ε1 :


Utilisons l'outil 'Résoudre'  après sélection de la ligne 2:
La ligne 2 est modifiée et y figurent maintenant les solutions de l'équation :


Nous retrouvons la valeur propre 1 déjà rencontrée.
Rappelons que si λ = 1 la valeur propre de est j (j + 1) = 2 + 3/4 + 1 = 15/4, soit j = l + 1/2 = 3/2.
Si λ = -2 la valeur propre de est j (j + 1) = 2 +3/4 -2 = 3/4, soit j = l – 1/2 = 1/2.

Recherchons le vecteur propre de valeur propre 1. Soient a et b les composantes de ce vecteur. En image les différentes étapes du calcul :


En ligne 3 nous écrivons que l'action de A sur le vecteur le laisse inchangé.
En ligne 4 nous indiquons la condition pour que cela se réalise.
En ligne 5 se trouve la condition de normalisation (nous supposons a et b réels)
Après avoir sélectionné les lignes 4 et 5, nous appliquons l'outil 'Résoudre', ce qui engendre la ligne 6 où figurent 2 solutions. Nous retenons la solution avec a positif. Notons ce vecteur |3/2 3/2> car j = 3/2 et ce vecteur appartient à ε1 qui est espace propre de jz avec la valeur propre 1/2.
Intéressons-nous maintenant au vecteur propre de valeur propre -2. Les étapes sont les mêmes que précédemment :


Cette fois j =1/2 comme expliqué précédemment et donc notre vecteur sera noté  |1/2 1/2>.
Suite aux résultats obtenus avec geogebra nous pouvons donc écrire:

Procédant de même dans ε2  nous obtenons cette fois :

Les coefficients qui apparaissent dans les relations ci-dessus ne sont rien d'autres que des coefficients de Clebsch-Gordan.